La réaffectation du patrimoine immobilier, un phénomène en évolution

20/12/2022
dans Avenir durable

Le patrimoine immobilier est ancré dans notre histoire et notre paysage urbain. Dans un avenir sous le signe d'un accroissement démographique continu, mais aussi de la naissance du « bouwshift » (transition de construction) et du « betonstop » (stop au béton), nous nous interrogeons sur le rôle que notre patrimoine immobilier doit jouer. Matthias Diependaele, ministre flamand des Finances, du Budget, du Logement et du Patrimoine immobilier, Erwin Vrijens, Head of Real Estate chez la société d'investissement Participatiemaatschappij Vlaanderen (PMV), et Jeroen Huysmans, Business Development Director chez ION, ont éclairé notre lanterne à ce sujet.

Nous assistons à une nette augmentation de la demande de logements disponibles et on se tourne à cet égard aussi vers le patrimoine immobilier. À quoi ressemble la situation actuelle ?

Jeroen : « Aujourd'hui, la Flandre recense 2,3 millions de bâtiments, dont quelque 11 000 sont classés au patrimoine protégé. Ces dernières années, on enregistre pratiquement partout une population en hausse, une tendance qui se poursuivra à l'avenir. Et elle s'accompagne d'une demande d'habitations, ce qui implique une popularité grandissante pour la réaffectation de notre patrimoine. »

Mathias : « Entre aujourd'hui et 2050, nous aurons besoin de quelque 400 000 logements supplémentaires en raison de la migration, mais aussi de la réduction de la taille des ménages. En outre, un large consensus se dégage en Flandre pour réduire au maximum, voire supprimer, les espaces ouverts. »

Le gouvernement offre-t-il actuellement suffisamment de possibilités aux propriétaires afin d'investir dans le patrimoine ?

Erwin : « De nos jours, nous intervenons depuis la PMV dans toute la Flandre auprès de différents acteurs privés en vue de réaffecter le patrimoine. Nous faisons le constat que les acteurs privés se montrent parfois réticents car les délais sont plus longs et les structures de coûts plus élevées que pour la promotion immobilière traditionnelle. L'efficacité énergétique vient s'ajouter aux défis majeurs de ce type de projets. »

Il faut effectivement traiter ces problèmes : on pourrait même les transformer en opportunités.

Jeroen : « Un dossier de redéveloppement commence par une analyse adéquate de l'affectation future en collaboration avec les autorités. On étudie ensuite les besoins de la communauté, l'objectif et les éventuelles lacunes du plan financier. À l'heure actuelle, les marchés privé et public entretiennent une collaboration étroite dans ce domaine et, à mon avis, cela devrait également dépasser le simple octroi de subsides. »

Erwin : « L'intervention des pouvoirs publics est parfois nécessaire étant donné que le patrimoine ne peut pas être rentable. Inversement, il existe aussi un patrimoine pour lequel aucune intervention du gouvernement n'est nécessaire pour la réaffectation. »

Que pensez-vous de cette évolution, Monsieur le Ministre ?

Mathias : « Ces paroles sonnent bien à l'oreille en tant que ministre du Budget. Au cours de mon mandat, j'ai poursuivi deux grandes lignes : accorder une attention plus grande à l'histoire qui se cache derrière le patrimoine et donner au patrimoine un rôle dans notre espace public. Si, en plus, on arrive à développer le volet économique à ce patrimoine, je ne peux que le saluer. J'ai introduit une réforme du système de primes en mettant l'axant sur l'entretien des bâtiments et le soutien de projets ciblés. »

Les avis divergent en matière de patrimoine, ce qui finit parfois par créer la confusion. Certains projets ont-ils donné le bon exemple ou les obstacles restent-ils nombreux ?

Jeroen : « Le patrimoine représente notre identité et tout le monde y est attaché. Pour moi, une réaffectation est envisageable uniquement si tous les paramètres sont solides, si la fonction économique est compatible avec l'accessibilité et si l'entrepreneur conserve son propre bâtiment. On observe évidemment une demande à la hausse aujourd'hui. Nous voulons travailler dans les villes centrales et les gens veulent vivre dans des lieux particuliers, il est donc important d'engager un dialogue avec la population du coin dès le départ. En tant que promoteurs, nous cherchons à pérenniser l'histoire d'un bâtiment. Nous écrivons une nouvelle histoire dans le respect du passé. Nous y arriverons uniquement avec l'appui du quartier, des autorités et de toutes les parties prenantes. »

Mathias : « C'est évidemment capital d'écouter ces voix. Cela montre le sentiment d'implication des gens. Dans ce contexte, nous voulons également donner un second souffle et faire de Herita un véritable trust national où nous encadrerons et dynamiserons notamment le bénévolat autour du patrimoine. »

Jeroen : « J'adhère définitivement à la stratégie du bénévolat dans la phase préliminaire, mais une fois au stade de l'élaboration, il convient toujours d'impliquer une partie professionnelle. Divers éléments s'imposent : plan financier, désignation d'un entrepreneur, réalisation de l'ensemble du processus de construction tout en incluant tous les risques en matière de santé et de sécurité. »

Nous savons dorénavant que la faisabilité économique est un facteur décisif dans le soutien des projets. Quels sont les autres facteurs ?

Mathias : « Actuellement, le gouvernement est en train de fixer par décret le principe selon lequel les propriétaires doivent prendre soin du patrimoine. Cela signifie également qu'il peut les aider financièrement afin de se conformer à cette obligation légale. Par conséquent, il faut effectivement se demander si, en tant que gouvernement, nous devons soutenir chaque restauration. »
Erwin : « Dans le nouveau système actuellement en place, un jury multidisciplinaire évalue à la fois les valeurs patrimoniales et le volet financier-économique des projets. On examine ainsi la mesure dans laquelle ils veulent ou doivent utiliser les fonds publics, et cela me semble un bon système.

Un point mérite selon moi encore de l'attention. Auparavant, un partenaire privé bénéficiait d'une plus grande sécurité juridique quant au soutien financier des autorités. Aujourd'hui, cette sécurité a diminué et cela influence le partenaire privé qui doit acheter un site à un moment donné. »

Mathias : « En réalité, nous en avons fait le choix délibéré pour stimuler la concurrence. À présent, vous devez convaincre le gouvernement que votre projet a un intérêt financier pour les autorités, et donc pour tous les citoyens, avant l'octroi du subside. »

Les pouvoirs publics aiment mettre les promoteurs immobiliers au défi. Quelle est votre approche à cet régard ?

Jeroen : « Je vois ce tournant avec optimisme. On assiste aujourd'hui à un marché compétitif. Le gouvernement fait des choix et les meilleurs projets en ressortent. Pour un promoteur immobilier comme ION, c'est évidemment très intéressant. Dès le départ, nous avons travaillé d'arrache-pied pour élaborer un dossier solide, tant sur le plan économique qu'en termes de durabilité, d'écologie et de communauté. Je pense que la transition d'un système générique de primes à un système thématique est positive. De cette façon, en tant que partie privée, nous connaissons aussi l'objectif du gouvernement et pouvons travailler en ce sens. »

Mathias : « Au moment de la mise en place du nouveau système, une montagne de dossiers est soudainement venue allonger la liste d'attente des subsides au cours de la période de transition d'un mois et demi. Et je constate avec regret qu'en toute honnêteté, nous parlons de 80 millions supplémentaires ! J'aurais préféré que nous puissions introduire immédiatement ce nouveau système et être tout de suite beaucoup plus exigeants envers les projets en soi. »

Jeroen : « J'aimerais suggérer au gouvernement de renoncer au principe d'imposer une rénovation parfaite et d'une mise en conformité énergétique sur tous les plans. Ce n'est pas toujours réalisable pour les monuments protégés. Il faudrait peut-être aussi considérer la nature qui entoure un bâtiment et faire un choix réfléchi entre les monuments qui sont restaurés et ceux qui peuvent se fondre progressivement dans la nature. »

Que faut-il retenir de la réaffectation de la valeur du patrimoine immobilier ?

Erwin : « Le patrimoine véhicule des histoires et peut tellement enrichir notre cadre de vie et de travail. Par ailleurs, les secteurs privé et public doivent unir leurs forces pour réintroduire cette discussion et cette conversation dans chaque projet. »

La réaffectation du patrimoine immobilier est un cadeau du ciel. Vivre et travailler dans le cadre du patrimoine immobilier renforce notre lien avec notre histoire. Des opportunités s'offrent aux promoteurs immobiliers, aux propriétaires privés et aux pouvoirs publics, mais des défis s'imposent également. L'échange d'informations sur la réalité en perpétuelle évolution et sur les expériences de chacun reste la clé de la réussite.