Green Deal podcastaflevering

Le changement climatique menant à des conditions météorologiques extrêmes, l'Europe réagit avec l'introduction du pacte vert. Cette nouvelle stratégie de croissance vise à transformer l'UE en une économie moderne, efficace dans l'utilisation des ressources et compétitive. Nous discutons des conséquences de ce pacte vert sur le monde de l'immobilier avec Davy Demuynck, CEO d'ION, Iwan Barrez, Sustainability Manager chez KBC Banque & Assurance ainsi que Nele Pieters, Chief Strategy Officer chez Encon

 

En quoi consiste le pacte vert précisément ?

Barrez : « Le pacte vert pour l'Europe découle de l'Accord de Paris qui a réuni 200 pays ambitionnant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En 2019, l'Europe a traduit cette intention en un plan stratégique, à savoir le pacte vert. Son ambition est de devenir un continent climatiquement neutre d'ici 2050. Dans un premier temps, l'Europe vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 pour cent d'ici 2030 par rapport à celles de l'année de référence 1990. Il s'agit d'une étape majeure dans la transition vers la durabilité, même si le défi est immense. » 

Quel sera l'impact de ce pacte vert sur le modèle économique des entreprises belges de la construction et de l'immobilier ?

Demuynck : « L'impact sera colossal. Aujourd'hui, plus de 75 pour cent des émissions de gaz à effet de serre proviennent de la production et de l'utilisation de l'énergie. Si l'on se penche sur le patrimoine immobilier, tout tourne principalement autour du chauffage et de la climatisation des bâtiments. En fait, nous devons renoncer aux combustibles fossiles et recourir aux nouvelles technologies. À cette fin, le gouvernement doit prévoir un cadre législatif interdisant l'utilisation des combustibles fossiles. Pour l'instant, on ne porte pas assez d'attention aux émissions de CO2 dans l'ensemble de la chaîne de valeur immobilière. Toute adaptation influe évidemment sur les prix, mais les fabricants parviennent à proposer des alternatives dans la même gamme de prix que les systèmes traditionnels entre-temps. » 

Quelle est l'ampleur du défi à relever pour imaginer des solutions créatives et innovantes ?

Pieters : « Nous le voyons comme une opportunité. Nous travaillons sur la motivation intrinsèque des entreprises à progresser en termes de durabilité et nous nous focalisons sur les méthodes par lesquelles elles peuvent intégrer la durabilité dans leur exploitation. De cette manière, nous créons une situation gagnant-gagnant pour les entreprises et donc pour le monde. Les prix de l'énergie ne cessant de grimper, les entreprises doivent se tourner de toute urgence vers les énergies renouvelables. Si ce mouvement prend de l'ampleur, des économies pourront être réalisées et il sera d'autant plus intéressant de le suivre. » 

Real Estape Barrez

Supposons que la construction durable devienne obligatoire, quelles seraient les répercussions pour les entreprises de construction et les sociétés immobilières ?

Barrez : « L'impact sur le financement se fera ressentir dans tous les cas. En tant que banque, nous sommes tenus par nos régulateurs européens de faire un rapport sur le financement des projets et sur leur caractère traditionnel ou vert. Aujourd'hui, le coût du capital est le même pour les deux types de projets, mais nous pensons qu'une tendance se dessine, dans laquelle le coût du capital deviendra plus élevé pour les financements qui ne sont pas verts. Nous continuons d'analyser la capacité de remboursement et celle-ci s'accroît lorsqu'on réfléchit à long terme. Cette réflexion implique la mise en œuvre d'une vision durable dans votre projet.  

Si vous utilisez encore actuellement des techniques traditionnelles, vous en ressentirez les conséquences sur la conservation de la valeur du bâtiment. Il est évident que les technologies renouvelables sont plus coûteuses à mettre en œuvre dans un bâtiment, mais cela vient du fait que nous examinons principalement le coût d'investissement en tant que société. Nous devrions plutôt nous concentrer davantage sur le coût total de possession à long terme. Certaines techniques ont une période de remboursement relativement longue et nos financements sont limités dans le temps, ce qui provoque parfois un décalage. Il pose encore de sérieux défis à relever à l'avenir. »

Comment le secteur réagit-il à cette évolution ?

Demuynck : « Le principe de base dans tout secteur est l'offre et la demande. Nous constatons que la demande des grands investisseurs institutionnels envers des biens immobiliers plus durables augmente chaque année. La demande étant plus élevée, les promoteurs immobiliers réagissent avec une offre plus importante. L'offre suit souvent la demande et non l'inverse. À l'origine, il fallait construire des bâtiments peu énergivores et nous avons résolu ce problème en utilisant davantage d'isolation. De plus, nous avons misé sur des technologies et des produits capables de gagner en performance avec moins d'énergie, comme les pompes à chaleur et la géothermie. Les propriétaires de bâtiments privés s'y intéressent désormais aussi. Cela sera aussi nécessaire si nous voulons concrétiser le pacte vert, car la première échéance de 2030 est proche. L'objectif 2050 est certes plus éloigné, mais un changement de mentalité s'impose chez les investisseurs qui doivent étudier davantage le caractère écologique d'un bâtiment et moins son rendement. Il y a évidemment beaucoup d'argent en jeu. Tant que les sources d'énergie traditionnelles seront plus économiques, il y aura toujours des acteurs qui en proposeront. » 

Real Estape ION
Il est important que la société prenne conscience de la nécessité de la construction durable.

Comment accélérer la transition vers la construction durable ?

Pieters : « Dès que la demande de bâtiments durables augmentera, l'offre suivra. Il est donc primordial que la demande émane également du consommateur. Par ailleurs, nous devons éviter de tomber dans un système où plus d'argent et d'énergie sont consacrés aux rapports et aux preuves qu'au soutien de la transition. Nous devons opérer la transition d'une économie axée sur les actionnaires à une économie tournée vers les parties prenantes. Si l'on parvient à instaurer ce changement, nous accélérerons sans aucun doute le chemin vers la durabilité. Je suis convaincue que le gouvernement a aussi un rôle à jouer, mais il est surtout important que la société prenne conscience de la nécessité de la construction durable. » 

Demuynck : « C'est en effet indispensable. Aujourd'hui, la structure d'un bâtiment a une plus longue durée de vie que les techniques utilisées. Par conséquent, même si les techniques traditionnelles sont encore utilisées dans les bâtiments aujourd'hui, nous devons veiller à ce que les installations soient compatibles avec les nouvelles techniques. Par exemple, ION entend travailler avec une chaufferie collective dans un nouveau bâtiment au lieu d'une chaufferie individuelle par appartement. De la sorte, vous pouvez facilement mettre en œuvre de nouvelles techniques à l'avenir, car certaines installations, comme les puits suffisamment larges pour les conduites d'eau, le permettent. » 

Barrez : « Je rejoins ce point de vue. Nous distinguons également les bâtiments neufs des bâtiments existants. Dans le neuf, le défi réside dans la production locale d'énergie et dans le souci de circularité et de neutralité carbone des matériaux utilisés. Le cadre législatif impose déjà des normes énergétiques strictes. Le défi est immense pour les bâtiments existants en termes de performance énergétique, et là aussi, une obligation légale se profile. À partir de 2022, les bâtiments non résidentiels seront tenus d'améliorer leur gestion énergétique en Flandre. Notre rythme de rénovation actuel est d'un pour cent. L'Europe veut porter celui-ci à deux pour cent, ce qui signifie que le taux de rénovation doit doubler. Elle essaie de jouer de son influence dans ce domaine avec la "vague de rénovations", qui fait partie du pacte vert. Il convient donc d'essayer de briser les barrières et les obstacles qui empêchent la rénovation afin de stimuler la vague de rénovation. C'est un défi considérable. » 

Les gens sont-ils conscients de la nécessité de la construction durable ?

Pieters : « Cette réalité n'est en effet pas encore assez évidente pour une grande partie du public. Je suis convaincue que de nombreux efforts sont encore nécessaires pour sensibiliser à cette évolution. Le gouvernement pourrait éventuellement jouer un rôle dans ce domaine en se consacrant à la sensibilisation de la population, afin qu'elle comprenne les intérêts d'un point de vue énergétique et les éléments auxquels il faudrait peut-être renoncer à l'avenir. » 

Demuynck : « C'est en effet un phénomène visible dans le secteur-même. C'est certain qu'il y a des avant-gardistes avec une longueur d'avance et d'autres qui ont tendance à suivre le troupeau. Nous constatons une tendance des bureaux d'études, des architectes et des consultants à recommander à leurs maîtres d'ouvrage de miser davantage sur la durabilité. D'autre part, c'est le maître d'ouvrage qui prend la décision finale, mais nos expériences sont en soi très positives. Par exemple, avec ION, nous avons lancé et participé à l'aménagement de différents réseaux de chaleur. Nous notons que la jeune génération préfère même acheter une installation verte et économe en énergie. Il ne faut donc pas que ce soit un inconvénient pour la commercialisation, car les gens croient que cette technologie fait ses preuves. De plus, faire appel à une installation professionnelle avec un contrat d'entretien professionnel est beaucoup plus efficace qu'une installation individuelle beaucoup moins bien entretenue. Tant les consommateurs que les entreprises en mesurent de plus en plus les avantages. Les grandes entreprises montrent l'exemple en matière de durabilité. Les entreprises de taille moyenne ont encore du mal à suivre, mais elles finiront par le faire, tout comme les consommateurs. Je suis très optimiste à ce sujet. » 

Barrez : « Exactement. Les investisseurs montrent aujourd'hui eux aussi qu'outre la rentabilité, le caractère durable des activités a également son importance : cet aspect figure également parmi les priorités des entreprises cotées en bourse. Le financement classique tourne autour du financement d'actifs du bien sous-jacent, mais aujourd'hui nous parlons de prêts verts et d'obligations vertes. Ici, l'impact climatique des activités de l'entreprise est également pris en compte dans la détermination de la composante d'intérêts. C'est une évolution que l'on observe principalement dans les grandes entreprises cotées en bourse. Si tout le monde se joint à ce mouvement, nous verrons naître une révolution majeure. » 

Real Estape Green Deal

Le pacte vert insuffle indubitablement une nouvelle dynamique dans le monde de l'immobilier. C'est le chemin qui mène à une plus grande durabilité dans laquelle le gouvernement, les entreprises et les individus peuvent et doivent prendre leurs responsabilités. 

 

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