Kunst versus architectuur

Quels sont les liens existants entre un architecte et un artiste visuel ? Et qu'est-ce qui les différencie ? Nous avons rencontré Marie-José Van Hee, qui fait partie de l’élite des architectes, et l’artiste de renom Dirk Braeckman. Installés dans le décor inspirant de la Maison Van Wassenhove, il apparaît bien vite que les deux amis se comprennent parfaitement, tant au niveau de leurs différences que de leurs ressemblances.  

Liberté

 Dirk Braeckman : Étant photographe, j’ai la possibilité de travailler en toute indépendance et en solitaire. C'est ce qui me convient le mieux. Il m'est arrivé par le passé de travailler à la demande, mais j'ai toujours l’impression de perdre le contrôle. Certains artistes en sont capables, comme Christina Iglesias. Elle parvient toujours à préserver l’autonomie dans son travail tout en tenant compte des souhaits du donneur d’ordre.  

Marie-José Van Hee : Son travail à Anvers (la Diepe Fontein sur la place du KMSK, ndlr.) est selon moi un exemple type d’art dans un espace publique. En effet, Christina tient compte des souhaits du donneur d’ordre, intègre le contexte tout en conservant dans son travail une pleine autonomie artistique. Chapeau !  

Dirk Braeckman : Moi, j’ai vraiment besoin de ma liberté. Sans elle, je perds mes moyens. Je pourrais par exemple opter pour une plus grande équipe. Mais je choisis consciemment de la garder restreinte, afin de garantir la qualité de mon travail.  

Marie-José Van Hee : Voilà précisément une différence immense entre nos deux métiers. Toi, Dirk, tu tiens la barre. Tu déter- mines le début, le processus ET le résultat. Un architecte travaille dans un tout autre contexte. Je suis architecte-constructeur. Je travaille donc par définition aux ordres de, et je dépends d’un grand nombre de per- sonnes. Ma liberté s’étend jusqu’aux limites de mon terrain. Cela explique le choix souvent conscient de collaborer avec des partenaires. Précisément parce que nous devons tenir compte de tant d’instances. C’est une façon de partager le combat. De plus, dans le feu de l’action, l’architecture exige également d'avoir le souffle beaucoup plus long, une bonne raison de collaborer. Une bonne collaboration fait en quelque sorte l’effet d’un bon corsage.  
 

Temps

Marie-José Van Hee : Le temps joue un rôle tout à fait différent dans l’architecture que dans le métier de Dirk. Un projet relativement modeste s’étend sur trois ans. Un projet plus important vous prend facilement dix ans. Garder tous les violons bien accordés pendant toutes ces années demande beaucoup d’énergie.

Dirk Braeckman : J’ai beaucoup d’admi- ration pour cet aspect. Mon métier est large- ment plus immédiat. Je produis simplement quelque chose, et voilà tout (rires). Ma propre expérience et l’exécution, l’action en soi, sont mes sources d’inspiration récurrentes. Je fais une expérience maintenant, et je sais que tôt ou tard, cela influencera mon travail. Cela vaut également pour cet entretien dans ce magnifique cadre.  

Dirk Braeckman : Je cherche à atteindre une certaine qualité intemporelle dans mon œuvre. Elle ne parle pas d’un événement, d’un moment, d’un endroit précis. Seule l’image compte. Je pense que pour beaucoup de gens, c’est justement ce qui lui confère sa dimen- sion intemporelle.  

Marie-José Van Hee : À mon avis, une œuvre ou un projet ne peuvent jamais s'affran-  

Marie-José Van Hee : Je me reconnais bien là. Moi aussi, je m'inspire principalement de ma ‘bibliothèque intérieure’. J’enregistre des expériences tout en sachant qu’elles auront leur influence, au moment voulu. J’essaie d’enrichir le plus possible ma bibliothèque en voyageant fréquemment. Mes voyages s’extériorisent par la suite dans mes matérialisations. Chir du temps. Leur conception et leur création se situent dans le cadre d’une époque bien spécifique. Avec les possibilités et les restric- tions que cela implique. Raison pour laquelle je peux parfaitement voir un projet et constater que je le réaliserais différemment, aujourd’hui. En le considérant dans l’esprit de l’époque, c’est superflu, évidemment. Cela reviendrait à nier le passé.  

Dirk Braeckman : L’on m’a déjà demandé d’innombrables fois de reproduire des œuvres plus anciennes. Parce que ‘vous avez quand même gardé la pellicule’. Chose que je ne fais donc pas. Je ne suis pas un rat de laboratoire. Chaque œuvre reflète les maté- riaux, les possibilités et les restrictions de ce moment donné. Je tiens à le respecter, tout comme Marie-José.  
  

Expression

Dirk Braeckman : Je recherche toujours une image que l’on ressent. Cela rend le choix du matériau très important à mes yeux. Je ne mets pas mes œuvres sous verre, ni dans un passe-partout. Cela me donnerait aisément l’impression de regarder à travers une fenêtre. Dans mon œuvre, le matériau, l’image et l’expression forment invariablement un tout.  

Marie-José Van Hee : Chose qui se re- marque en effet fort bien dans tes choix de matériaux, Dirk. La différence avec mon métier, c’est que l’on peut toucher mes œuvres (rires). Bien entendu, le choix des matériaux à un côté fonctionnel, mais j’essaie également de donner un maximum d’expression à mes projets. J’ai une préférence très prononcée pour les coloris, les couleurs naturelles. Nous les connaissons le mieux, et tout naturellement. Elles nous sont familières, et elles apaisent.  

En effet, il ne faut pas oublier que je pars du chaos le plus absolu et je ne veux garder que la quiétude dans le résultat final.  

Dirk Braeckman : Le fait qu’il y a toujours quelque chose à découvrir dans une œuvre est un autre aspect essentiel à mes yeux. Le fait qu’elle vous surprenne à chaque fois.  

Dirk Van Hee : Tout à fait d'accord. J’aime d'ailleurs aussi garder quelques secrets. Je pré- fère ne pas tout dévoiler. Je suis aux anges, par exemple, quand les gens me racontent qu’il dé- couvrent toujours des choses nouvelles, même après quelques années. Je ne le fais même pas toujours exprès. L’énergie que l’on donne à son travail, appelle la découverte. C’est cette éner- gie qui donne à nos œuvres, tant celles de Dirk que les miennes, leur sensibilité et peut-être aussi leur qualité. 

Marie-José Van Hee 

Avec Robbrecht & Daem, Marie-José Van Hee a remporté en 1997 le Prix culturel flamand de l’Architecture. L’œuvre de Marie-José Van Hee a été exposée aux quatre coins du monde, entre autres à Barcelone, Bordeaux, Bruxelles, Grenoble et Rome. Elle a fait partie des Biennales d’architecture de Venise de 1991 et de 2000.  

Dirk Braeckman 

Dirk Braeckman a reçu de nombreuses distinctions dont le Prix culturel de la KULeuven et le Prix culturel de la Communauté flamande. Son œuvre se trouve partout dans le monde, du Centraal Museum d’Utrecht aux collections privées aux États-Unis. En 2017, l’on pouvait également admirer ses œuvres au pavillon belge de la 57e Biennale de Venise.  

www.museamdd.be 

www.dirkbrackman.be 

www.mjvanhee.be 

Kunst versus architectuur
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