Podcast Employer Branding

Les personnes doivent travailler de plus en plus longtemps. La tâche des employeurs est donc double. Ils doivent d’une part trouver des personnes qui puissent coller à leur entreprise et d’autre part tâcher que ces mêmes personnes restent à bord. Comment l'employer branding (image de marque de l'employeur) aide-t-il le secteur immobilier à devenir un employeur attrayant sur le marché ? C'est le sujet de notre podcast avec Stijn Baert, professeur d'économie du travail à l'Université de Gand, Jonas Heuts, associé gérant de l'agence Employer branding Insilencio et Florence Leterme, directrice des ressources humaines du promoteur immobilier ION.

Nous constatons une pénurie de main-d'œuvre sur le marché du travail à l’heure actuelle et cela vaut également pour le secteur de l'immobilier. Quel rôle l'employer branding peut-il jouer pour occuper ces postes vacants ?

Stijn : « La pénurie de main-d’œuvre est un fait. Actuellement, en Belgique, un emploi sur 20 n'est pas pourvu, ce qui représente le double de la moyenne européenne. Le VDAB (pendant flamand du Forem wallon) dresse chaque année une liste des métiers en pénurie. Dans le secteur de l'immobilier, les métiers de syndic, d’opérateur immobilier, sont très clairement des métiers en pénurie. Cela s'explique en partie par le fait que très peu de personnes décrochent un post-graduat en gestion immobilière, mais aussi par le fait que cette profession requiert des compétences relationnelles (“soft skills”) et des compétences techniques (“hard skills”), et que cette association n'est pas toujours évidente. »

Florence : « Chez ION, nous mettons l’accent sur le promotion de projets. Nous sommes surtout confrontés à une pénurie de profils techniques ; de personnes assurant le suivi des chantiers, d'ingénieurs et d'architectes. Nous parlons depuis un petit temps maintenant de la guerre des talents et - que cela soit bien clair - les talents l’emportent. De ce fait, nous constatons parfois une distorsion en termes de salaires et de bonus, mais surtout, il devient de plus en plus important de retenir les talents que vous venez d’attirer. Une entreprise doit donc s'engager à développer sa propre identité et sa propre culture afin de créer un sentiment d’engagement. »

Jonas : « C'est en effet l’essence même de l’employer branding, et cette prise de conscience a certainement gagné en importance ces dernières années. Les entreprises sont de plus en plus conscientes de la nécessité de projeter une identité en tant qu'entreprise. Cela commence par la position que vous adoptez en tant qu'employeur vis-à-vis de vos propres collaborateurs. À cet égard, les valeurs, les normes, la culture, la rémunération ... jouent un rôle prépondérant. Toutefois, pour créer un enracinement réellement pérenne, il convient également d’être attentif au nombre de formations proposées et offrir suffisamment d’opportunités d’évolution aux travailleurs. »

Gagner de l’argent n’est clairement plus le seul élément décisif dans la prise de décision du travailleur d’opter pour telle entreprise plutôt qu’une autre. Comment le secteur de l'immobilier peut-il tirer parti de cette tendance ?

Jonas : « Dans le secteur de l'immobilier, mais également dans d'autres secteurs, il est important, en tant qu'employeur, de bien définir l'engagement que vous attendez. En effet, il ne sera pas le même pour toutes les entreprises. »

Podcast Stijn Baert

Stijn : « Oui, comme déjà exprimé à juste titre précédemment, nous avons été confrontés à la guerre des talents et les talents l’emportent. Selon moi, il convient d’aborder les choses sous deux angles distincts. D'un côté, il y a bel et bien des personnes disponibles sur le marché du travail, mais elles ne disposent peut-être pas des bonnes compétences ou du bon diplôme, et c'est là que la formation devient cruciale. D'autre part, il y a aussi des personnes inactives qui n'ont pas d'emploi et qui n'en cherchent pas non plus. À cet égard, le gouvernement pourrait consentir davantage d'efforts afin de guider ces personnes vers le marché du travail, en veillant par exemple à ce que l'écart entre les allocations et les salaires soit suffisamment important. Cette promesse ressort à chaque élection et pourtant aucune avancée majeure n’est jamais réalisée. Les concepts “d'apprentissage tout au long de la vie” et de “formation sur le lieu de travail” peuvent également apporter une solution à la pénurie de main-d'œuvre. »

Florence : « Cela représente en effet un défi colossal pour bon nombre d’entreprises. Le problème est que dans la pratique, le temps manque pour former les personnes. Outre la connaissance de fond, il faut également être en mesure de libérer les supérieurs hiérarchiques pour qu'ils puissent y consacrer du temps. Les compétences requises sont tellement spécifiques dans le secteur de l'immobilier qu'il est très difficile de trouver une solution viable à ce problème. Nous insistons énormément en interne sur l’importance des formations, tant pour les soft skills que les hard skills. Cependant, nous constatons, et singulièrement dans le cadre des formations internes que les gens sont plus vite enclins à décrocher lorsqu'un projet d’envergure se présente à ce moment-là. Cela est également lié à la culture. En Flandre, les personnes ont très souvent tendance à donner la priorité à ce qui est visible dans une entreprise et considèrent que les formations sont moins nécessaires pour évoluer dans leur carrière. »

Jonas : « Par rapport à certains autres secteurs, le monde de l’immobilier est en effet un secteur difficile et axé sur les résultats. Cela ne facilite évidemment pas les choses, car cela veut dire que les indicateurs clés de performance relatifs à la croissance et aux chiffres (KPI) peuvent rapidement faire leur apparition. Il serait par conséquent logique de mettre sur pied une sorte de baromètre permettant par exemple d’indiquer que cinq pour cent du temps soit effectivement consacré à l'apprentissage et au développement tous les ans. »

Selon une étude, seuls 34 % des Belges feraient confiance aux promoteurs immobiliers. Inutile de dire qu'ils ne jouissent pas d'une bonne image. Et pourtant l’image renvoyée est cruciale pour l’employer branding. Cela joue-t-il en votre défaveur pour attirer de nouvelles recrues ?

Podcast Florence Leterme

Florence : « Pour le moment, nous n’avons pas encore eu de problèmes majeurs pour attirer de nouvelles personnes. Si nous nous penchons sur les profils techniques, nous remarquons qu’il s’agit le plus souvent de personnes qui se sont vues dispenser une formation complémentaire spécifique dans le secteur immobilier après leur formation universitaire ou qui ont un bachelier en immobilier en poche. Ils connaissent bien le secteur et appréhendent les choses avec pragmatisme. »

Stijn : « L'image est effectivement importante. Les personnes veulent faire quelque chose qui a du sens, ils ne veulent pas seulement voir un certain montant arriver sur leur compte à la fin de l’année, mais ils souhaitent aussi consacrer utilement leur temps. Cela ne pourra se faire tant que les valeurs et l’image ne sont pas en accord avec celles du travailleur. Ainsi, un ingénieur verra son choix en faveur du secteur immobilier et non du secteur informatique déterminé par des critères différents de ceux sur lesquels un syndic opèrera son choix pour une entreprise spécifique. »

Florence : « Nous concrétisons l'histoire d’ION auprès des gens. Nous sommes souvent confrontés à de jeunes diplômés qui se disent très heureux de se retrousser les manches et de pouvoir collaborer au développement de projets empreints d'innovation, de durabilité et qui se démarque en termes d'architecture. En tant qu'entreprise, vous devez essayer de vous défaire d'une certaine perception qui entoure encore trop souvent le secteur de l'immobilier. »

L'image innovante d’ION plaide évidemment en votre faveur. Pensez-vous que cette confiance peut être davantage renforcée ?

Jonas : « Le moyen le plus efficace consiste à impliquer vos propres travailleurs dans le projet. Des études montrent que la voix du travailleur est beaucoup plus estimée que celle du CEO, et à fortiori davantage qu'un slogan émanant d'un service marketing. Si en tant qu'entreprise, vous parvenez à ce que vos propres travailleurs puissent raconter le véritable projet ; l'image que vous véhiculeriez sera tout de suite plus authentique, surtout si vous osez également montrer ce à quoi vous devez encore faire face en tant qu'employeur. Vous atteindrez le public qui vous convient vraiment si vous osez dire ce que vous défendez, les choses pour lesquelles vous excellez et les domaines où vous devez encore vous améliorer. Chez ION, ce profil est clair. Il ne s'agit pas seulement de compétences techniques, mais surtout d'ADN. »

Stijn : « De fait, les recherches menées par mon collègue Greet van Rooij à l'université montrent également que le bouche-à-oreille est très important. Il ne s'agit pas seulement de leurs propres collaborateurs, mais aussi des personnes qui postulent, car eux partageront la manière dont ils ont été reçus. Les plateformes telles qu’Indeed, StepStone, Jobat ... permettent également aux personnes de faire part de leurs avis sur une entreprise en particulier et de lui attribuer des étoiles. La cote obtenue par votre entreprise peut être déterminante. En effet, le résultat ne sera pas le même entre un 2,8 sur 5 de moyenne ou un 4,1 sur 5. »

Le mot d'ordre aujourd'hui est d’être conscient de l'image de son entreprise et de lancer une communication active en la matière. Il est donc de plus en plus important d'outrepasser les résultats et de se concentrer sur le bien-être de vos collaborateurs pour attirer du personnel et le garder à bord. Quelles sont les initiatives qui fonctionnent ?

Stijn : « Une récente étude de l'université de Gand a montré qu'en Flandre, environ deux personnes sur dix sont réellement heureuses dans leur travail. Et pourtant, ce qui est assez étonnant à ce propos, c’est que nous continuons à exercer le même métier de plus en plus longtemps. Chez nous, on considère en moyenne que les personnes continuent à exercer le même métier pendant 10 ans, ce qui est assez long comparé aux pays étrangers. C'est ce que nous appelons le syndrome de la cage dorée. À côté de ça, les personnes ont souvent l'impression d'avoir plus de travail qu'ils ne peuvent en assumer, car il faudrait davantage de personnes que ce qu’il y en a sur le marché du travail. Il s’agit bien là de signaux de détresse. »

Florence : « Au niveau individuel, il est important, en tant qu'entreprise, d'organiser de chouettes activités qui donnent le sourire aux collaborateurs. Vous devez essayer de saisir où se situe la frustration des personnes en lien avec l'équipe et l'organisation. Les attentes à l'égard des travailleurs sont-elles claires ? Des recherches ont en tout cas démontré que le conflit de rôles est l'un des principaux facteurs susceptibles de déclencher un burn-out. Nous allons aborder ce sujet de manière très intensive dans les mois à venir. Le manque de communication et le manque de reconnaissance et de valorisation de la part des teamleaders sont également des phénomènes sous-estimés qui provoquent frustration et stress. Le manque d'outils adéquats est également un facteur qui augmente le niveau de stress ; raison pour laquelle nous mettons un trajet de numérisation en œuvre, mais même dans ce cas, nous devons veiller à ce que les bonnes informations parviennent bel et bien jusqu’aux oreilles des personnes concernées. En effet, le but de ce trajet est qu’il soit perçu comme une avancée plutôt que comme un fardeau. Je crois fermement qu'il faut garder un œil sur tous ces différents blocs et prendre des mesures afin que les personnes puissent se sentir reconnues, impliquées et puissent jouir d’une certaine confiance. Ce n’est que de cette façon que vous parviendrez à créer du bien-être pour vos collaborateurs. »

Podcast Jonas Heuts

En quoi le bien-être fait-il partie intégrante de l’employer branding ?

Jonas : « Pour moi, le bien-être est davantage une conséquence logique du fait d'inciter les personnes à s'engager et à s'impliquer. À partir du moment où vous êtes impliqué dans une entreprise, vous vous sentez plus à l'aise au travail. Actuellement, bon nombre d'entreprises réalisent encore tous les deux ans une grande enquête de satisfaction dont les résultats sont connus quelques mois plus tard. À ce moment-là, vous avez déjà raté le coche, car, entre-temps, de nouvelles personnes ont rejoint l'entreprise, un nouvel outil a été mis en place... Tout ceci a un impact réel sur le bien-être. »

Stijn : « Cette approche “vieille école” a en effet fait son temps. D'ailleurs, tout le monde n'a pas les mêmes besoins. Prenons pour exemple le télétravail ou la culture de réunion, les gens n’appréhendent plus seulement les choses selon la fonction, mais aussi de façon individuelle. Pour moi, la politique RH au sein du secteur doit être avant tout une politique adaptée aux besoins des travailleurs. »

L'authenticité est le maître mot d'un employer branding efficace. De cette manière, en tant qu'entreprise, vous ne vous contenterez pas uniquement de recruter les bonnes personnes, mais vous parviendrez également à fidéliser les travailleurs existants. Cela est bien nécessaire dans ce marché du travail étriqué, dans le secteur de l'immobilier, mais aussi au-delà.

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